Extrait du journal

LE discours de M. Jules Moch a fortement touche l'opinion. C est qu'il répond aux inquiétudes et exprime assez bien la pensée de la plupart des français éclairés. Nul, à moins d être victime des perversions des propagandes, des affolements de lo haine ou de lo peur, n'oserait souhaiter une guerre préventive, et il appartenait à M. Jules Moch de faire connaître là-dessus le sentiment français. Nul enfin, à moins de sciemment confondre pacifiste et trahison ou de se réfugier dons d'élégantes contradictions intellectuelles, ne saurait refuser le réarmement du pays dans le cadre d'une Europe assez forte et unie pour exiger et se défendre, pour se dégager du dilemme du choix de l'envahisseur et assurer son existence entre l'Amérique et la Russie. C est- pourquoi l'on écoute avec attention M. Jules ’ Moch jurer que le plan de réarmement sera exécuté. On se félicite de le voir s'engager dans la voie périlleuse des promesses solennelles. Mais c'est aussi pourquoi I on s étonne de ne point apprendre en même temps par quels moyens le gouvernement entend pouvoir tenir de telles promesses. On ne saurait tenir ses administrés pour mineurs. Leur cacher les moyens — ou l'absence de moyens — en tentant de fixer toute leur attention sur les promesses, c'est en user avec eux comme avec la petite enfance. Or les Français ont, semble-t-il, atteint l'âge de raison, ou tout au moins celui des raisons. De sorte qu'ils aimeraient savoir comment il sera lisible, si l'on veut mener à bien l'effort de réarmement, d'amener dans les caisses de l'Etat de quoi répondre au crédit de deux mille milliards qui a été prévu....