Extrait du journal

La voiture s'arrêta devant le musichall. Mad en descendit, paya le cocher, lui dit un mot aimable et entra. L'orchestre jouait avec fracas une musique barbare, tandis que sur la scène une petite négresse agitait frénétiquement les bras. Mad n'entendait pas l'orchestre, la lumière ne l'éblouissait pas, elle ne regardait pas la négresse, la fumée de tabac ne l'incommodait nullement: tout cela lui était si familier depuis deux ans qu'elle venait là, chaque soir, à la même heure, avec une exactitude de fonctionnaire bien noté. Elle sourit à quelques amies, parla à d'autres, puis, laissant traîner sa jupe, commença à tourner dans le promenoir. Les glaces lui renvoyaient son image, et parfois,d'un coup d'œil, elle examinait si rien ne péchait dans sa toilette. Mad portait une robe pailletée qui découvrait sa gorge. Blonde naturellement, à peine majeure, elle avait une peau laiteuse et deux fossettes sur les joues! aussi la vie lui était facile, parce qu'elle éveillait facilement le désir. Cependant il lui arrivait de souffrir, parce qu'elle gardait une âme romanesque. Elle se plaisait à rêver d'aventures, et il lui paraissait toujours que les hommes ne se ressemblaient pas et que certains d'entre eux s'élevaient indiscutablement au dessus de tous les autres, les acteurî surtout et les chanteurs....