Extrait du journal

Les dieux ont voulu que mon plaisir dût tourner un jour à mon salut et me rendre substance pour substance. La présente passion des manuscrits a pris origine dans les miens. Les poètes et les écrivains, de qui l'on se dispute aujourd'hui l'écriture, devraient savoir qu'ils me le doivent. Je suis, d'ailleurs, bien aise qu'ils l'ignorent. Il est clair qu'un grand goût, un goût rare autant qu'élevé, ne peut manquer de se plaire toujours plus sciemment à la beauté manuscrite. Pas un dessin, ni une œuvre quelle qu'elle soit, n'est plus un objet d'art que celui-ci : c'est l'esprit offert à l'esprit. Et la vie l'anime. La main est là, que les muscles meuvent, que les nerfs dirigent, nourris par le sang et le sang distribué, tout à la fois, par le génie et l'hydrastique supérieure de la volonté pensante. L'écriture est le dessin de l'intelligence que non pas le vent efface sur l'eau, mais que l'intelligence grave sur le miroir ou la cire du temps comme un double éternel!. Un autre jour, sans doute, je dirai comment du manuscrit le Prométhée de l'Occident fit passer l'homme à la sage et redoutable merveille du livre. Bonne merveille, aussi, car le livre est bon, par-dessus tout: le livre est charité, l'ambroisie qu'au prytanée de la lecture, loin du grossier chaos de l'action, un pouvoir tutélaire sert en tout temps à l'intelligence....