Extrait du journal

Dès sa jeunesse, Henri Casadesus eut la hantise des instruments oubliés, désormais condamnés au silence. Il lui semblait qu'il y avait là tout un monde, injustement déserté, dont la beauté devait charmer des oreilles vivantes. Chez les luthiers, alors qu'on lui proposait des instrumenta bien neufs au vernis offensif, il était atti é par le miroir bruni d'une viole d'amour, par l'éclat discret et atténué d'un quinton : le!' petites têtes étranges, Eros aux yeux bandés qui suimontent ces instruments, en faisaient des personnages féeriques. « Qu'est-ce que vous voulez tirer de ça ?, disait le luthier au jeune homme captivé on ne peut plus jouer dessus » Mais l'Eros de la viole murmurait: fiNe le crois pas ; je peux chanter si tu le veux n. Et un jour, Henri Casadesus empan ta une des ces belles vicies muettes. Il chercha longtemps le secret de sa chanson captive, l'enchevêtrement de ses multiples cordes métalliques, le montage .complexe de ce réseau sonore. Quelle récompense, lorsque l'instrument reconnaissant et ressuscité fit entendre sous ses doigts son timbre de velours !...