Extrait du journal

Il y a,, dans la pièce de M. Paul Bourget, une situation très forte, et qui a violemment saisi les spectateurs. Un homme de doctrine et d'action, dont toute la vie fut consacrée à faire prévaloir les principes qu'il sait justes, un homme qui se croit affranchi de toute faiblesse et capable de consentir tous les sacrifices à la cause qu'il sert, s'aperçoit, en pleine bataille, tout près du triomphe, qu'il vient d'être victime d'une trahison criminelle, et que le coupable est son propre fils. Pour conformer sa conduite aux idées qu'il a toujours proclamées pour sauver sa doctrine et son parti d'un échec peut-être irréparable, pour ne pas déchoir lamentablement à ses propres yeux, il faudrait qu'il frappât son fils, qu'il l'exécutât. Il le sait, il sait que la justice exige ce châtiment, -qu'en épargnant son fils il se renierait lui-même, et l'oeuvre de sa vie entière. Pas un instant sa raison, sa volonté réfléchie n'hésitent ou ne reculent devant ce devoir. Mais quand arrive le moment fatal, le moment de porter le coup, un sentiment plus fort que sa raison l'arrête. Il devrait, il voudrait, mais il ne peut pas....