Extrait du journal

— tin entendant ce langage, je ne doutai pas d'être tombée aux mains d'un renégat. Cette circonstance me plongea dans une nouvelle angoisse, car si sa qualité de Français pouvait me faire espérer un traitement moins cruel, le fait que cet homme avait abandonné sa religion et son pays n'était pas pour inspirer grande confiance en sa délicatesse. Lorsqu'il me quitta pour mettre fin à l'orgie et rétablir l'ordre sur sa prise, afin de pouvoir la conduire en sûreté vers un port d'Afrique, je tombai dans une profonde méditation sur l'avenir, et rien ne put m'empêcher de verser d'abondantes larmes. Heureusement, j'étais si lasse que je ne tardai pas à m'endormir. Lorsque je m'éveillai, au milieu des traces d'une lutte hideuse et d'une débauche qui le fut plus encore, le vaisseau était en vue d'Alger; nous ne tardâmes pas à entrer dans la rade et à jeter l'ancre. Aussitôt, on nous conduisit à terre, parmi les hurlements d'une populace qui, tantôt, acclamait le courage de nos vainqueurs, et tantôt insultait à notre infortune. Je vis alors que je devais me louer d'avoir eu affaire à un ancien chrétien; en effet, au moment où, selon la règle, on menait les captifs devant le dey ou roi de la ville, pour la dîme, il me mit à part de la troupe et m'envoya droit à sa maison, au risque d'une amende considérable....