Extrait du journal

Vigny, nous n'en connaissons que cinq ou six. N'importe, elles suffisent. Elles ont un accent de sincérité inimitable. Elles le montrent déchiré d'amour, d'inquiétude et de honte: « Ce qui reste dans mon âme de tout cela. c'est du malheur, c'est du découragement mortel. Je sens en moi une honte secrète pour la première fois de ma vie. — Je tombais de fatigue hier et je me suis endormi pesamment. Je me suis étonné de trouver mon oreiller, mes joues, mes yeux remplis de larmes. J'avais rêvé à je ne sais quel chant triste qui me faisait sangloter. Tu m'as fait mal hier au soir, ô mon bel ange. — Ne conduis pas tes offenses plus loin que ne pourraient aller mon amour et ma bonté. Je les sens toujours en moi, veillant sur toi, mais en vérité je commence à ne plus savoir comment les employer tant tu me reproches et tant je suis las de cette lutte continuelle! » Et va-t-on découvrir, dans la cadence de ces phrases, quelques traces de solennité ? Mais cette naïve solennité est au cœur même de Vigny, et qu'il l'apporte encore, assez gauchement, dans cette lutte sans gloire, rien de plus touchant, ni qui révèle mieux sa sincérité. La sincérité d'un écrivain ? Eh ! celle d'une comédienne....