Extrait du journal

— Il y en a, des comme moi, qui ne comprendraient pas: ça dépend du commencement. Celles qui ont commencé pour l'argent ou pour la chose toute seule, il y a des chances qu'elles riraient : mais moi j'ai aimé quelqu'un, il est mort un an après, et je m'étais donnée de tout cœur : seulement je me suis trouvée toute seule, sans travail, et sans le courage du réchaud ou de la Seine. Alors, dame,j'ai fait ce que je fais. Mais je vous comprends parce que, la première fois que je me suis déshabillée devant un autre homme que Julien — il s'appelait Julien, un blond, et si délicat! — j'ai senti tout ce que vous sentez,et moi aussi j'ai voulu me sauver. Encore, j'ai eu la veine de tomber sur un garçon très doux et très poli, et moi aussi j'ai eu du plaisir parce que depuis des mois j'étais sage, et comme vous je me disais en mordant l'oreiller: « Lâche, brute, traînée. », et je pensais à mon ami qui avait eu ma fleur et qui était à Ivry, sous des pots de marguerites et des couronnes pourries par la pluie. Et le premier louis gagné comme ça. Moi aussi, j'ai trouvé ça amer, comme vous dites. Mais c'est loin. et on prend l'habitude....