Extrait du journal

Celte année-là l’hiver avait disparu pres que avec mars, et le mois de mai, par ex ception, promettait d’èlre splendide. Par habitude, Carlo qui n’y tenait plus, entra dans l’atelier de son ami. — As-tu fait ta malle ? lui dit-il. — Ma malle ? et pourquoi, s’il te plaît ? — Pour partir. — Où vai-tu ? — Mais nous allons à Versailles. — Malheureux ! tu oublies donc ? — J’oublie qui ? — Que je suis marié. — En quoi ton mariage est-il incompati ble avec notre voyage du printemps ? — Tu le demandes ? — Et sérieusement.. — Je vais te le dire. — Tu me satisferas. — Tu as vécu à la campagne, toi ? — Oui. — As-tu vu parfois quelque vieille femme planter un pieu en terre, attacher une corde à ce pieu, passer l’autre bout de corde au cou d’une chèvre, et laisser la chèvre brou ter autour du pieu ? — J’ai vu ça, en effet. — Eh bien 1 le pieu, c’est le ménage ; la corde, c’est le mariage, et la chèvre c’est moi. J’ai juste la liberté de brouter dans le cercle décrit par ma corde. Or. comme'cette corde ne va pas jusqu'à Versailles, je n’irai point à Versailles. Un homme marié se doit au monde, à ses visites, aux convenances sociales, à tout, excepté à lui-même. Tu comprends ? • ‘ — Paûvre Menida 1 fit Crirlo, ce n’était point la peine de lui faire confectionner un habit vert. Je comprends, Giuseppe ; je comprends outre mesure, et je n’en suis...