Extrait du journal

Quelques journaux de Paris aussi bien 3ue des départements persistent à prenre le change ou cherchent à le donner, sur le véritable caractère des troubles de la semaine dernière. Les uns mettent plus ou moins directe ment la police en cause ; d'autres mettent exclusivement la perturbation de la paix publique sur le compte des gamins et des curieux. On est plus franc et plus explicite en Belgique ; les journaux de l’émigration révolutionnaire puisent dans la sécurité de la distance, l'audace de la vérité. Rien de plus édifiant, par exemple, que l’article suivant publié dimanche dernier par le journal Y Espiègle, de Bruxelles : AGITATION EN FRANCE. Il y a dans l'atmosphère de la France comme un souffle de liberté que le peuple respire, un chant immortel que tout le monde entonne : la Marseillaise. Le peuple français, animé, enivré, transporté, va-til livrer la grande bataille du droit contre l’arbitraire, revendiquer, les armes à la main, sa république et ses libertés. On ne sait. Il faut si peu de chose à ce peuple de 93 et de juin 1848 pour mettre ses soldats en marche: un coup de feu, un cadavre, et le voilà hurlant des mots terri bles et faisant trembler le sol sous les pas de ses enfants. Le premier à Paris qui criera VengeanceI sera celui qui mettra le feu aux poudres. Mais que le peuple français y regarde à deux fois avant d’engager la lutte. S’il ne se lève pas en masse, malheur aux cœurs vaillants dont la bravoure témé raire aura méconnu le danger ; César a des légions : il fera couler des torrents de sang, aussi formidables que les torrents de larmes des veuves et des orphe lins qu’il a faits. S’il n’y a pas unité, si le mouvement n’est pas con centré, il avortera. Cependant il est bon que le peuple français se prouve à lui-même qu’il n’a plus peur des soudards et des mouchards, il est bon qu’il rie, qu’il raille, qu’il chante la Marseillaise. 11 est dans sa nature intrépide de commencer par des éclats de rire les besognes sublimes qu’il finit par des éclaircies de lumière. Espérons et attendons. Tout se trouve dans ces quelques lignes : l’appel aux plus mauvais souvenirs, la flatterie démagogique, l’encouragement à l’action, l’avis de ne s’y aventurer qu’à bon escient, le plan de campagne à suivre, — tout, jusqu’au mot d’ordre de la bataille et à la façon de la provoquer. Ce « cadavre, » que demande Y Espiègle, pour servir de drapeau à l’insurrection et de prétexte au cri de « Vengeance 1 » n’estce pas justement ce que cherchaient les provocateurs de la semaine dernière, lors qu’ils jetaieut à la force armée ces paroles de défi: « Mais tirez donc, c’est ce que nous voulons ! » L'Espiègle, signé par M. Odilou Delimal comme rédacteur en chef, est, dit-on, le...