Extrait du journal

Sans dire un mot à son nègre, il s’était élancé dans son cabriolet avec cette aisance particulière à l’homme du monde. Déjà il avait saisi les rênes, et il allait lâcher la bride à son cheval qui piaffait d’impatience, lorsque tout à coup, ayant levé les yeux, il entrevit à quelques pas de lui une jeune fille pauvrement vêtue dont la beauté re marquable ressortait avec éclat en dépit de ses misérables vêtements. Appeler son nègre, lui donner quel ques ordres, sauter à bas du cabriolet, et courir sur les pas de cette beauté mal vêtue dont la physionomie l’avait frappé, tout cela fut pour le comte l’affaire d’un instant. La jeune fille marchait tantôt lente ment, tantôt à pas précipités, la tête inclinée, les yeux fixés à terre, sans regarder ni devant ni derrière elle. Ses traits portaient l’empreinte d’une très vive affliction. Arrivée devant un riche hôtel de la rue Saint-Honoré, elle s’arrêta indécise. Retournerait-elle sur ses pas ou fran chirait-elle le seuil de cet hôtel ? A ce moment, le comte, qui jusque-là l'avait suivie sans oser l’aborder, put contem pler à l’aise un délicieux visage très jeune, dont l’expression morne et dé solée le toucha profondément. La pauvre enfant hélas ! était en...