Extrait du journal

V. - L’ÉVOCATION DU PASSÉ. Deux mois s'étaient écoulés depuis l’installation du nouveau propriétaire au château de Taurin, et l’impres sion défavorable, presque hostile qui avait signalé son arrivée dans le pays avait en partie disparu. On remar quait encore l’expression froide et sévère que présentaient ses traits ; on se sentait mal à l’aise avec lui, mais on lui savait gié de la générosité qu’il déployait et de ses efforts pour améliorer la condition des gens de la campagne ; il mettait à la disposition du curé des sommes impor tantes pour venir en aide aux malheureux ; si quelque circonstance fâcheuse venait apporter la gêne dans un ménage, il était toujours prêt à en atténuer les effets ; il ne se montrait jamais trop pressant envers ses fermiers, quand ils se trouvaient en retard pour leurs paiements. Il avait par sou influence et aussi par ses dons, contribué â doter le pays d’un chemin qu’on réclamait depuis longtemps ; quelques innovations intelligentes avaient encore contribué à signaler son nom à la reconnaissance publique. Tous ces bienfaits méritaient bien qu’on lui pardonnât les bizarreries de son humeur et des boutades dont on ne pouvait deviner la cause ; s’il y avait dans son passé des souvenirs douloureux qui assombrissaient parfois ses traits et donnaient à son langage un accent acrimonieux, après tout n’en était-il pas le premier à plaindre ? Il est vrai que la reconnaissance des habitants s’adres sait à sa nièce plus encore qu’à lui. On savait qu’elle...