Extrait du journal

Les élections de la Charente-Inférieure ont été animées. C’était la première lutte sérieuse engagée depuis l’arrêt de la Cour de Paris contre les réunions électorales. Il était intéressant de savoir quelles dispositions celte décision rigoureuse et sans précédent allait faite naître dans le corps électoral. Nous voyons avec plaisir que rien ne peut plus décourager aujourd’hui nos concitoyens dans la revendication de la liberté et dans la protestation de jour en jour grandissante contre les candidatures imposées. Il n’y a pas eu de résultat définitif ; mais les candidatures libres ont obtenu plus de 13,000 voix contre 8,500 laissées à la candidature administrative. Les voix de l'opposition se sont inégalement réparties entre M. Paul Bethmont, qui a obtenu un chiffre de voix très rapproché du chiffre attribué au candidat du gouvernement, et M. Gabion, avocat à Marennes, qui a obtenu plus de 5,000 voix. M. Gabiou nous est représenté par nos correspondants, sinon comme un opposant bien décidé, du moins comme un homme très indépendant, par sa situation et son caractère. M. Bethmont n’étant que fort peu connu à Marennes, grâce au singulier arrangement de nos circonscriptions électorales, les électeurs indépendants de Marennes, ceux qui avaient à cœur d’avoir un représentant à la Chambre plutôt que d’y faire représenter M. le préfet, ont tout naturellement porté leurs voix sur M. Gabiou. Ils ont servi par là efficacement la cause de la liberté électorale ; mais ils compromettraient aujourd’hui cette même cause s’ils ne savaient s’unir sans arrière-pensée aux électeurs de M. Bethmont. Nous ne doutons donc pas que M. Gabiou, honoré d’un nombre très respectable de suffrages, ne suive un usage constant en rendant à ses adhérents leur liberté d’action. Ses électeurs, ayant alors à choisir entre le candidat administratif et M. Paul Bethmont, ne sauraient hésiter. Ils maintiendront la haute signification de leur premier vote qui est, dès à présent, une protestation non contre les mérites du candidat officiel, mais contre sa situation même. Si M. Bethmont ne leur est pas connu persolennellement, ils trouveront une garantie incontestable dans le succès remporté par lui au premier tour el dans la presque unanimité des suffrages que lui a décernée la ville même de Rochefort. Il n’est donc pas douteux que la candidature officielle ne soit battue en brèche au second tour comme au premier. Une bonne partie de l’honneur en reviendra, après les électeurs, au zèle du Mémorial des Deux-Sèvres, qui, dans le silence de la presse locale, n’a pas cessé depuis l’ouverture de la période, électorale, d’élever la voix en faveur de l'initiative et de la liberté des électeurs....