Extrait du journal
On peut lire dans l’excellente histoire de h Révolution de 1848, écrite avec une conscience et un scrupule égal au talent, par un des principaux et des plus illustres acteurs de ce grand drame, M. Garnier-pagès, le récit de l'introduction de l’ouvrier Albert dans le gouvernement provisoire. 11 n’est rien de plus curieux et de plus digne d’attention. M. Louis Blanc arrive dans 1 étroit cabinet où se tenaient les sept membres titulaires du gouvernement provisoire, déjà acclamés par la foule. D’une voix, impérieuse et presque irritée, il réclame l’adjonction d’Albert, moins peut-être pour marquer le caractère démocratique de la révolution nouvelle et offrir un gage aux masses soulevées, que pour préparer une espèce de symbole vivant à son faux et impraticable système de l’organisation du travail. « L’idée, dit M. Garnier-pagès, fut ace cueillie avec empressement. La seule diffus cillé, c’était le choix. Représenter la classe » ouvrière dans le gouvernement était chose con» chable et juste. » Mais, quoi que dise. Garnier-Pagès, on devine, d’après le ton même de son récit, qu'il fallut réfléchir, au moins quelques secondes, avant de s’aviser d’une vérité pourtant si évidente. Le premier sentiment qu’inspira la proposition de M. Louis Blanc fut la surprise. Le lendemain, lorsque la population parisienne aperçut sur les murs du Paris le nom d’Albert, ouvrier, adjoint à ceux des autres membres du gouvernement provisoire, ce ne fut pas la surprise qu’inspira un fait aussi inusité, ce fut la stupeur. On se demandait si ces mots cabalistiques AIbert, ouvrier, ne signifiaient pas bouleversement universel de toutes les situations acquises, les plus humbles comme les plus hautes, et s’ils n’ouvraient pas la porte à ce quelque chose de vague,. d effrayant et de babéliqpe que l’on commençait à désigner d’un nom plus vague entore et plus basilique : le socialisme.. Quelques lettrés perdus dans la foule se disaient bien que, dans la h rance d’autrefois, un moine qui occupait dans l’ordre ecclésiastique de ce temps-là la même place qu’un ouvrier dans notre ordre séculier, pouvait aspirer à représenter comme un autre la nation aux Etats-Généraux ; que de simples paysans tenaient leur rang dans nos assemblées provinciales de Languedoc et de Bretagne ; que, dans les républiques de Flandres, annexées seulement depuis un siècle et demi à la France, les corporations de métier ayant eu la part principale au gouvernement de la cité, les artisans, comme on les appelait alors, jouaient encore, au seizième siècle, un rôle politique prescrit et déterminé par les lois; et peut-être ceux qui éco* huaient de tels souvenirs et qui y comparaient l’effet produit, au lendemain d'une révolution populaire, par l'inscription d’un nom d’ouvrier sur la liste d’un corps politique, admiraient-ils qu’une chose à la fois si ancienne et si naturelle pût paraître si inouïe et si terrible. Ils étaient seuls en tout cas à l’admirer. On peut affirmer qu’une grande partie même de la population ouvrière de Paris fut d’abord plus déconcertée et plus troublée que satisfaite en voyant l’un des siens tout à coup porté au rang de ceux qui représentaient provisoirement la France. Trois mois après, il est vrai, ce n’était plus la même chose. L’idée avait fait du chemin, et, il faut le dire, un chemin assez singulier. On entendait professer dans les clubs que le suffrage universel ne devait envoyer à la Constituante que des ouvriers, c’est-à-dire, en définitive, se préoccuper de représenter une seule classe au lieu d'exprimer les vœux et les besoins de toutes. Ainsi, à peine l’orage de février avaitil souillé sur cette oligarchie de censitaires, à laquelle le gouvernement de juillet, sage en tout le reste, avait eu le tort de lier exclusivement le sort de la monarchie constitutionnelle et des libertés parlementaires, on aspirait naïvement à créer l’oligarchie de la blouse : tant il est vrai qu’avec nos prétentions démocratiques, la vanité française a déposé en nous nous ne savons quel éternel besoin de mauvaise aristocratie toua-...
À propos
Le Courrier du dimanche est un hebdomadaire créé en 1857 sous le nom de La Semaine politique. Il change de nom en mai 1858 pour marquer sa différence avec La Semaine financière. On y trouve des articles portant sur l’actualité politique, littéraire et financière, qui bénéficient chacune d’une partie réservée dans chaque numéro. Le journaliste orléaniste Lucien-Anatole Prévost-Paradol y a été un contributeur régulier. La publication cesse de paraître en 1866.
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