Extrait du journal

L'ELBE aussi N'EST PAS SEULEMENT un fleuve allemand : c'est aussi la limite d'un désert. Dans la plaine qui s'étend de Berlin à Wittenberg, ce ne sont partout que forêts houleuses, prairies infinies, vergers immenses et maisonnettes claires sous le ciel large. Mais, après Witterherg, le décor change soudain. Le train franchit d-ans un bruit sourd de ferraille le grand pont sur l'Elbe, et la vie, comme sur un coup de baguette magique, s'évanouit. Le long de la voie ferrée, les arbres décharnés se tordent dans une lumière jaune et sale. Dans les champs incultes et abandonnés, l'herbe, jaunâtre, est rare, même en plein été. Au 10inJ des montagnes de terre noire, surmontées de constructions métalliques sur lesquelles roulent des files ininterrompues de wagonnets, disent que les hommes, partout ici, fouillent les entrailles de la terre, De gros nuages jaunes traînent dans le ciel, et quelque chose d'âcre et de malodorant, épars dans l'air comme vidé de son oxygène, vous prend à la gorge !...