Extrait du journal

Deux clans de romani se sont rencontrés —une dispute s'est élevée, une bataille rangée s est déroulée ... un homme est mort. Tel est le drame qui, nous l'avons annoncé, a eu lieu la semaine dernière aux environs de Noyon. Hier, de toute la France les « romani » sont venus à Noyon assister aux obsèques de leur frère de race, Georges Carlo#* Un cortège imposant défila dans la ville : devant le chapitre de la cathédrale au grand complet, précédant onze musiciens (1), nombre fixé par le rite romani, qui exige onze, vingt-trois, trente-trois, ou quarante-trois instrumentistes, et jouant la « Marche funèbre » de Chopin. Puis venait le cercueil à poignées et clous d argent, où un certain nombre de pièces d'or étaient enfermées avec le cadavre. Le long du corbillard, de chaque côté, quatre Bohémiens porteurs de cierges tenaient les cordons du poêle (4). Derrière, enfin, la foule des romani, les hommes a la mine crasseuse et à la barbe hirsute, les femmes à la robe de soie souillée de boue. Dès la levée du corps, les scènes poignantes se multiplièrent : la mère de la victime, encore marquée par le récent combat, s affaissa ; ses compagnes la relevèrent et lui firent boire, pour la ranimer, une forte dose d'éther (2 et 3). Les enfants et les femmes pleuraient, les hommes contenaient mal leur émotion. Au cimetière, après les prières, chacun bénit le cercueil ; certains le touchaient et même l'embrassaient à pleines lèvres (s). Les lamentations et les cris des femmes s élevèrent (6) tandis que des pièces de monnaie étaient jetées dans la fosse. Le prix de cette cérémonie, d'une émouvante graadeur, s'éleva à quinze mille francs, somme qui fut réglée par les parents du mort....