Extrait du journal

Elle était si laide et si ridée, cette misérable Hamza, si contrefaite et si déplaisante, qu’aucun homme ne pouvait jeter les regards sur ses vieux traits jaunis et sur sa taille difforme sans les dé tourne* aussitôt d’horreur et de dégoût ; ce dont elle éprouvait un tel dépit qu’elle eût tué tous ceux ui lui tombaient sous la main, à grands coups e béquille. Les fées, d’ordinaire, ont leur baguette qui opéré toutes sortes de prodiges. Hamza a une béquille à deux tins, qui lui sert Tantôt de baguette et tantôt de bâton. Cependant, qui le croirait? la vieille sorcière n’a pas renoncé à ses prétentions, ni à ses coquetteries. Elle s'attife, elle met du rouge, elle se regarde, de la tête aux pieds, dans un grand miroir qui lui renvoie son horrible figure, et elle se dit qu’un jour ou l’autre quelque beau jeune homme ne ficut manquer d’être séduit par ses charmes et de ui donner un baiser. Or, c’est ce qu elle espère et ce qu’elle attend depuis bien des lustres ; car (tel est l’arrêt du destin) si un jeune homme l’embrasse, elle recouvre à l’instant sa jeunesse et sa beauté. Voilà donc que le cor retentit dans la forêt voi sine et que les aboiements d’une meute furieuse font trembler les vitres du vieux château délabré où Hamza s’est installée avec son unique servante. La fée est curieuse (elle a tous les défauts).— Quel est donc le chasseur qui fait un si grand vacarme • autour de ces ruines inaccessibles que jusqu’ici nul autre homme n’a osé franchir? — Elle ouvre et feuillette son grimoire. -- C’est un prince, dit le livre sans hésiter. — Un prince ! mais quel est son Age, sa figure, son nom? — Point de réponse ; le grimoire est muet. Hamza tend sa béquille et aussitôt sur la glace même où elle se mirait na guère, ie dessinent les traits les plus charmants et les plus réguliers qu’on ait jamais vus. Le jeune prince a les yeux noirs, les cheveux bouclés, un air noble, une tournure hardie et martiale. Il doit être aussi brave qu’il est beau, et, ù coup sûr, il n’a...