Extrait du journal

sait que les premiers torts venaient de lui et qu’il ne m’a pas aimée comme j’ai besoin qu’on m’aime ; il sait encore que si j’ai péché, j’ai été punie, car ce que jVais cherché vainement près de lui, je ne l’ai pas trouvé près d’un autre ; il sait, enfin, que mon cœur a drs trésors de ten dresse où l’impureté n’a jamais eu de part ; il sait que je serais heureuse à pré sent entre lui et vous, et pourtant il va me quitter pour une vie qui doit être la meilleure, puisqu’on y aime qu’avec sou Ame et que les âmes sont libres. Quant à vous, oh 1 vous me quitterez pour la vie banale et vulgaire que souhaitent tous les jeunes hommes. Le pur bonheur serait ici; mais il ue vous suffira point ou vous n’y voudrez point croire. Et vous ferez bien, Jean Nougaret, car vous n’en êtes peut-être pas digne, car vous n’avez point la sim plicité, car vous n’avez pas la mémoire du cœur. Je vous aurai sauvé une fois de la méchanceté des autres ; une seconde fois de vous-même et du mal que la fausseté de vos jugements vous avait causé. Vous ne m’aurez récompensée que par l'ingratitude et par l’injure. Qu’il soit donc fait comme vous voudrez î Votre existence est assurée maintenant et vous me la devez. Je vous dispense de me payer votre dette. Soyez libre et soyez méchant 1 Je tâcherai d’ou blier que je vous aurais aimé ! Les yeux de Jean s’étalent refermés. L’instant d’après, il ne savait plus si ce qu’il venait d’entendre était réalité ou rêve. Le lendemain il essaya d’y penser. Mais devait-il y croire? — Sûrement, se disait-il, j’avais encore la fièvre. Et ce qui lui arriva quelques jours après, autre rêve, autre cauchemar!... Combien de jour#?... Il se mit à compter ceux qui s’étaient écoulés, mai# sa tète demeurait encore si faible ! Pourtant, il lui sembla qu’une semaine environ avait passé entre cette seconde vision et la première. Cette fois ce n'était plus la nuit, mais le matin. Et le beau matin tout ensoleillé 1 II se re trouvait assis dans le jardin sous les vieux arbres, côte à côte avec Aristide. Leurs deux fauteuils se touchaient. Le maître l’appela d’une voix à peine distincte : — Cadet 1 Instinctivement, il répondit : Maître? — Ecoute î voici ce que tu feras quand tu seras guéri et que je n'y serai plus, tu...