Extrait du journal
FRANCE. De Paris. Depuis plusieurs jours l’Assemblée nationale uni quement occupée de la constitution , se jetait avec ardeur dans les discussions profondes du droit de la nature, et quoique livrée dans le cours des débats à cette chaleur brillante , si naturelle aux Français , elle apportait^ dans ses délibérations cette sage lenteur qu’on eût difficilement présumée d’une Nation qui passait dans l’Europe pour être aussi imprudente et aussi légère qu’elle est aimable et courageuse. Touta - coup la scène change. Cette Assemblée si poli tique , si morale , si profondément occupée de ques tions métaplasiques , marche subitement aux résultats les plus décisifs. Aucun sacrifice ne lui coûte, aucune difficulté ne l’arrête , son élan patriotique franchit tous les obstacles , son zèle impétueux brise toutes les barrières , elle abat les privilèges , foule à ses pieds les prérogatives de l’orgueil , change la forme des propriétés , anéantit le régime féodal , et dans une seule nuit renverse cet arbre antique dont les branches couvraient la surface de l’Empire, dont les racines épuisaient depuis tant de siècles les sucs nourriciers de la terre , et frappaient de stérilité l’heureux sol de la France. C était beaucoup sans doute. Elle fit plus encore ; consacrant ce grand acte de vigueur et de puissance , non par une simple loi , mais par un ar ticle de constitution , elle applanit tout d’un coup la longue et pénible carrière qui s’ouvrait à son courage, et fit plus en quelques heures, pour le bonheur du Peuple , qu’on eût osé l’espérer dans un siècle. Les nouvelles affligeantes que l’on recevait chaque jour des p.ovinces où la sûreté des personnes, la con servation des propiétés et le paiement des impôts étaient mis en péril , fit comprendre à l'Assemblée que s’il était instant de donner au royaume une constitu tion pour assurer son bonheur et sa gloire , il était plus urgent encore de protéger la vie et les propriétés des citoyens, et d’arrêter une efferverscence qui pou vait être suivie d’un incendie universel. Le comité des rapports, après avoir présenté le ta bleau des malheurs publics et particuliers dont nous avons rendu compte , proposa à l’Assemblée, afin de remédier à tant de maux , de publier le plutôt pos sible une déclaration solennelle pour témoigner sa pro fonde douleur des troubles qui agitaient les provinces, son improbation du refus des Peuples de payer exac tement les impôts , les cens , les rentes et les autres redevances féodales , et pour annoncer que jusqu’à ce quelle eût statué sur ces objets, il n’existait aucun motif capable de justifier un pareil refus. L’on déciéta qu’il serait fait une déclaration pour le maintien des propriétés , et que de toutes les idées proposées , le comité de rédaction composerait un projet qui serait discuté le lendemain 4 août à la séance du soir. Il était huit heures lorsque commença cette séance éternellement mémorable. On s’y livra à la plus douce des émotions. Plu sieurs orateurs développèrent ensuite successivement les heureux effets de la renonciation des propriétaires de fiefs à des droits reconnus trop rigoureux. Ces grandes idées d’intérêt public ayant, par leur rapprochement, élevé toutes les âmes à la hauteur d’une délibération , à laquelle le salut de l’État et la conservation du royaume entier paraissaient évidem ment attachés, on vit se succéder une foule de mo tions plus importantes les unes que les autres. Chaque idée de sacrifice était rapidement suivie d’une autre , et l’on voyait entre tous les membres de l’Assemblée une noble émulation de patriotisme et de générosité. Les signes de transport et l’effusion de sentimens généreux dont l’Assemblée présentait le tableau plus vif et plus animé d’heure en heure, pouvaient à peine laisser le tems de stipuler les mesures de prudence avec lesquelles il convenait de réaliser ces projets sa lutaires , votés , par tant de mémoires , d’opinions touchantes et de vives acclamations dans les assem blées provinciales , dans les assemblées des bailliages et des les autres lieux où les citoyens avaient pu se réunir depuis dix-huit mois. Il semblait que le sujet si étendu des réformes était entièrement épuisé , lorsque des sacrifices d’un autre ordre vinrent réveiller et porter sur de plus grands objets l’attention et la sensibilité de l’Assemblée. La joie , l’admiration , l’enthousiasme , ne connurent plus de bornes , lorsque l’on vit les députés des pays d’État se livrant à l’impulsion de leur générosité , ou se fjrévalant de celles de leurs commettans exprimée par ems cahiers , ou enfin la présumant, et se rendant...
À propos
Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.
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