Extrait du journal
FRANCE. De Paris. Récit des évènernens qui ont amené, les journées des 5 et 6 octobre. O N touchait sensiblement à la veille d’un choc d’autant plus terrible , que la haine qui divisait les deux partis , semblait les rendre inaccessibles à toute espece de composition. L’un recueillait son courage et modérait avec peine ses transports ; l’autre ras semblait toutes ses forces et ses tuteurs. L’étendard de la liberté , d’un côté , s’apprêtait à voler à une nouvelle victoire ; la bannière du despotisme , de l’autre , appelait , de toutes les parties du royaume , cette foule d’adorateurs jaloux de reconquérir le droit de partager les hommages et les offrandes de la di vinité dont ils prétendaient relever le sanctuaire. Jamais on n’avait vu dans les rues de Paris et dans la galerie de Versailles briller tant de croix de SaintLouis , voltiger tant d’essaims de factieux. Au mi lieu de cette multitude d’uniformes de toutes couleurs dont la capitale était remplie , quelques habits verts , à paremens rouges , qui n’appartenaient à aucun ré giment , fixèrent l’attention des observateurs ; et la renommée qui exagère tout , s’attacha de préférence à cette singularité qui , dès l’instant meme , donna lieu à de vastes conjectures, et répandit de nouvelles alarmes parmi le grand nombre de personnes que les circonstances n’avaient encore pu aguerrir contre les crises subites de la frayeur. Le dévouement des gardes-du-corps à la per sonne du roi faisait espérer aux conjurés de les en traîner facilement dans la ligue ; le dévouement de leurs chefs à l’aristocratie avait dirigé sur eux les soup çons et l’animosité de la multitude , quoique dès le commencement de la révolution cette troupe se fût montrée aussi fidelle à la Patrie qu'au monarque. Elle avait juré de mourir pour conserver le» jours du toi , de la reine et du dauphin : mais elle avait aussi fait le serment de ne jamais tremper ses mains dans le sang des citoyens. La plupart même de ces gardes se trouvaient fréquemment avec les députés , sem blaient admirer leur sagesse et leur courage , les con juraient de ne point se laisser rebuter par les obs tacles , et de poursuivre avec ardeur leur noble et sainte carrière. Dans les troubles qui éclatèrent à Versailles , lors des premières séances des États - Généraux , ils se plaignirent hautement de l’ordre qu’il leur fut donné ( comme aux régimens étrangers ) de faire des pa trouilles pour contenir le Peuple , et représentèrent que leur fonction était de garder la personne du roi et non de molester leurs concitoyens. Un de leurs maréchaux-de - logis ayant porté en leur nom à un officier supérieur les réclamations de la compagnie , celui-ci jugea à propos de mal interpréter leurs re montrances , les accusa de refuser le service , et le maréchal - des-logis fut cassé à la tête du corps. Ré voltés de cette tyrannie , ils résolurent de rendre la bandoulière plutôt que de souffrir que leurs chefs pussent , sous de faux prétextes , dégrader ainsi leurs officiers ; et le maréchal - des - logis fut rétabli dans son grade à la prière de la reine. Cet acte de justice calma le mécontentement de ces braves militaires, mais non leur indignation contre M. de Guiche, que ce trait de despotisme rendit aussi méprisable à leurs yeux qu’à ceux du public. La cour , effrayée du patriotisme des gardes-ducorps , qu’elle regarde comme une rébellion ouverte, met tout en œuvre pour changer leurs dispositions. On les travaille dans leurs garnisons ; on caresse les uns, on effraye les autres ; on exalte chez les jeunes gens les préjugés de la vanité , l’orgueil de la nais sance ; on présente aux ambitieux l’appât de la fa veur ; à tous l’honneur de rétablir la splendeur du trône et la dignité de la noblesse. Les officiers vont jusqu’à oublier la supériorité du rang et du grade , jusqu’à descendre de la hauteur de leurs prétentions, et veulent bien feindre de s’abaisser à faire cause commune avec de simples ( 1 ) gentilshommes. On ne réussit pas sans doute à éteindre l’esprit patriotique de cette brillante élite de guerriers - ci-, toyens ; mais on étonna l’opinion du plus grand nombre , on l’alarma sur les intentions du corps lé gislatif et sur le sort d’un monarque chéri ; on excita l’effervescence de la jeunesse. 11 faut le dire , et cet...
À propos
Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.
En savoir plus Données de classification - de guiche
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