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Gazette nationale ou le Moniteur universel, 9 mai 1848

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Gazette nationale ou le Moniteur universel
9 mai 1848


Extrait du journal

sance. Tous ces vieillards ont combattu pour la liberté contre la monarchie, et plus tard contre I Europe coali sée. Ils ont échappé aux hasards des dissensions civiles, aux dangers de la guerre, aux coups même de l’âge. A leur tète, et parmi les plus énergiques, était le ci toyen Boucher père, qui a porté la parole en leur nom. Le citoyen Boucher s est fait connaître dès longtemps, et par un grand talent musical et par un patriotisme à toute épreuve. Il a lu d’une voix forte et pleine de la plus juvé nile émotion l’adresse suivante : Les survivants des vainqueurs de la Bastille aux grands citoyens membres du Gouvernement provisoire. Libérateurs de la France, La révolution pacifique de 1848 est la digne fille de l’im mortelle révolution de 1789. La Providence, si manifeste dans les bouleversements qui renouvellent le monde, ressuscite à l’honneur notre France tant dégradée par le régime déchu. Cette belle France, mère-patrie de l’intelligence, des arts, des sciences, des lettres, de la civilisation, se relève enfin. Elle remue les peuples à son gré; sa seule pensée émeut, ra vive et rajeunit même la vieille Europe. Trois heures de juste indignation ont suffi cette fois aux enfants de Paris, capitale des capitales ! Les deux hémisphères en retentissent. Nos chants nationaux mêmes, qui vibrent dans tous les cœurs, harmonisent l’univers. Nous, vétérans de la liberté, nous disons comme le vieil lard de la Bible : « Et maintenant, Seigneur, si nous ne pou« vons plus être utiles à nos dignes successeurs, ne fût ce que « par notre expérience, rappelez-nous; car nos yeux ont « aperçu avec bonheur le règne de la liberté de bien faire, « de l’égalité selon la loi, et de la fraternité humaine. Elles « nous coûtèrent, à nous, tant de combats et de sang!... La « concorde séchera nos larmes. » Vous, citoyens illustres, nous vous bénirons encore à nos derniers soupirs, et nos âmes, s’exhalant vers Dieu, ne cesse ront de l’invoquer pour la patrie. Nos suprêmes paroles se ront : Vive la République! vive l’union de 89 et de 48: Vi vent aussi nos rédempteurs! Chers camarades, redisons et avec serment : Vive la France régénérée ! Vire la République française indissoluble, indestructible ! Le citoyen Barthélemy Saint-Hilaire, représentant du peuple et chef du secrétariat du Gouvernement provi soire, a répondu à cette adresse ; et, non moins ému que ceux à qui il parlait, il s'est exprimé à peu près en ccs termes : « Généreux et vénérables citoyens, c’eût été un bien doux moment pour le Gouvernement provisoire que celui où il aurait pu recevoir une députation telle que la vôtre. Il n en est pas, dans toutes celles qui sont venues lui té moigner de leurs sympathies, qui pussent le toucher da vantage. Les souvenirs de la première révolution revi vent tous ici, et ces têtes blanchies par l’Age nous disent assez quelle reconnaissance vous doit la patrie, et quelles profondes émotions votre présence doit causer dans nos cœurs. La prise de la Bastille a été le premier acte qui a manifesté la force et la souveraineté populaire. C’est vous qui avez semé les germes de la moisson civique que nous recueillons aujourd'hui. Grâce à vos efforts qui datent de plus d’un demi-siècle, la lutte nous a été facile ; et quel ques jours ont suffi pour fonder cette république à laquelle vous avez prodigué durant de longues années votre sang et votre vie. « Il est beau de ranimer ces grands souvenirs et de re lier par votre visite, dans ce palais de la révolution, la première République que vous avez essayé de fonder, à la seconde, que nous fonderons sur les principes inaugurés par vous. «Oui, citoyens, vous avez raison; la France, notre pa trie, est la mère de l’intelligence, des sciences, des arts et des lettres. Ce n’est pas même de 1789 que date cette suprématie que l’Europe reconnaît, que parfois elle nous envie, mais dont elle a toujours profité, et dont elle pro fite aujourd hui plus que jamais ; il y a plus de dix siècles que Dieu a permis à la France, et lui a presque fait un de voir, d’être à la tète de toutes les nations civilisées. Depuis Charlemagne, c’est une m ssion qu elle n’a pas un seul jour oubliée, qu elle n’oubliera jamais ; sous Louis XIV, la sous république, sous l’empire, sous la restauration même, et sous la royauté déchue, la France n’a point abdiqué ce grand rôle : elle en a toujours été digne; et nous pouvons nous, vos fils, vous le promettre sans hésitation, elle en restera digne entre nos mains. Les démocraties anciennes ont su, dans une certaine mesure, allier la politique et la liberté à toutes les magnificences des arts, à toutes les délicatesses de l’esprit, à tous les exercices de l’intelli gence. Il suffit de rappeler le nom d’Athènes. Notre dé mocratie, citoyens, ne sera ni moins éclairée, ni moins forte. Nous pouvons nourrir pour elle des espérances que les républiques anciennes n’ont pu certainement conce voir. « Mais, sous le rapport de la liberté, nous avons fait mille fois plus qu elles ne pouvaient faire. Nous avons pu as surer à tous les hommes, sans exception, des droits po litiques qui jadis étaient le privilège de quelques-uns. No tre République, citoyens, sera la plus équitable, la plus solide de toutes. Vous avez commencé l’œuvre de la régé nération ; je ne dis pas que nous puissions l’achever ; mais vous, vénérables citoyens, vous pouvez vous dire, pour prendre le langage de la Bible invoquée tout à l’heure par vous, que vous avez vu la terre promise. Nous tâche rons de la féconder, et de transmettre cet héritage à ceux qui nous suivront, plus beau, plus saint encore que nous ne l’avons reçu. « Au nom du Gouvernement provisoire, au nom de la jeune République sortie des barricades de Février, je re mercie les vainqueurs de la Bastille et les pères de notre première république de 1789 et de 1792. » Le citoyen Boucher se jette avec effusion dans les bras du citoyen Saint-Hilaire et l’embrasse en pleurant. La députation se retire aux cris de vive la République ! l vive le Gouvernement provisoire ! Diverses pétitions sont remises au citoyen Saint-Hi laire, qui se chargera de les faire parvenir au Gouverne ment provisoire....

À propos

Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.

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