Extrait du journal
rogeant l’espace, cherchaient au delà du Ve'loce, mouillé en rade, et parmi les vapeurs de l’horizon, les mâts pavoisés qui dénotaient la présence du cénotaphe flottant. « Il n’apparut au large que vers six heures et demie, se di rigeant sur la Ilève. L’obscurité, qui commençait à pâlir sous les premiers rayons du jour, laissait distinguer tous les bâti ments qui composaient le convoi. La Normandie marchait en tète, pavoisée partout aux couleurs nationales, portant le pa villon royal au grand-mât et tous ses autres pavillons hissés à joindre. Après elle venaient la Seine, puis le Courrier, qui fermait le cortège; le cutter le Rôdeur était resté au large. Vers sent heures, le convoi laissa arriver le cap sur la Tour, gouvernant pour passer à petite distance des jetées. Bien qu’évidemment il n’employât pas toute sa vitesse, il s’avançait ra pidement, favorisé par le vent et le flot, et son approche, combinée avec le progrès de la lumière qui devant lui blan chissait l’orient, le dessinait plus nettement de minute en mi nute sur le fond brun de l’horizon. « L’attention se portait particulièrement sur la Normandie, qui, sévère dans son aspect, portant haut ses mâts, et se couant avec fierté sa crinière tricolore, semblait, comme le coursier du poète, frémir avec orgueil sous le précieux far deau qu’elle portait. Cependant ce splendide spectacle n’arrélait pas longtemps les regards, et bientôt, impatients, ils s’abaissaient sur le pont du navire, interrogeant avec anxiété toutes ses parties. Dans la direction qu’elle suivait, la Nor mandie se présentait de trois quarts à la terre, et son tam bour de bâbord cachait le gaillard d’arrière. Mais, parvenue à deux encablures des jetées, elle revint un peu sur tribord pour donner en Seine, et le tableau qui s’offrit alors rappela tous les cœurs aux sentiments divers que ne pouvaient man quer d’inspirer et l’acte solennel qui s’accomplissait sous nos yeux, et les souvenirs immortels qu’il évoquait en foule. « Sur le gaillard d’arrière, entre quatre fanaux ardents, dont la vive lumière se mariait aux clartés naissantes du jour et aux derniers reflets de la lune, apparaissait le vaste cer cueil qui renferme les restes mortels du plus grand homme que la France ait produit. « Lentement le précieux dépôt glissa devant la foule émue, et le recueillement général ne fut troublé que par le bruit du premier coup de canon, annonçant l’entrée des restes mortels de l’empereur dans un fleuve français, entre ces rives qu’il a choisies pour le lieu de sa sépulture. « A ce moment, le soleil, vif et resplendissant, se levait au-dessus des collines qui ferment le lit de la rivière, et fai sait pâlir les flammes funéraires. Ses rayons dorés, tombant sur la chapelle ardente, en faisaient jaillir des milliers d’é tincelles. Le cercueil semblait comme entouré d’une atmo sphère lumineuse, d’où s’échappaient en éclairs les reflets de la couronne d’or qui surmonte le drap mortuaire. » — Voici le programme arrêté par les autorités de Rouen pour la cérémonie du 10 : « La cérémonie sera tout à la fois funèbre et triomphale. « L’arceau central du pont de fer sera décoré en arc de triomphe. « Les anciens officiers, légionnaires, blessés et soldats de l’empire seront réunis sur ce pont et ses abords. '< Des trophées et des pyramides seront érigés sur les deux rives du fleuve et sur le pont d’Orléans. « Les monuments publics arboreront le drapeau national. « Une oriflamme entourée de drapeaux flottera sur la flè che de la cathédrale. « Des navires d’honneur seront pavoisés ; tous autres na vires et bateaux qui se trouveraient, soit en rade du port de Rouen, soit en amont du pont d’Orléans, rive droite, arbo reront les couleurs nationales. « Vers neuf heures du matin, S. E. M&r le cardinal-ar chevêque de Rouen, à la tête de son clergé, se rendra processionnellement au quai de Saint-Scver pour prononcer les prières de la religion sur le cercueil au moment de son pas sage. « A la même heure, le corps municipal se rendra de l’hô tel de ville au quai de Saint-Scver pour s’y réunir aux autres autorités civiles et militaires convoquées par M. le préfet du département. « Les gardes nationales de Rouen et des communes envi ronnantes, avec les troupes de la garnison, borderont les quais sur les deux rives du fleuve. « Le moment où le bateau-catafalque partira du Val-dc-lallaye sera indiqué à Rouen par des bombes tirées le long du rivage, jusqu’à la place Saint-Scver. « A cette annonce, l’artillerie de la garde nationale, couron nant les hauteurs de la côte Sainte-Catherine, et les navires d’honneur, tireront un coup de canon de minute en minute, jusqu’à la fin de la cérémonie funèbre. « Les cloches sonneront un glas, les drapeaux seront voilés. « La musique de la garde nationale et celle de la garnison joueront des marches funèbres. « Après avoir franchi la passe du pont de fer, le bateaucatafalque s’arrêtera entre les deux ponts. « S. E. Msr le cardinal-archevêque de Rouen pronon cera Vabsoute sur les précieux restes du héros. « Immédiatement après ces prières, une salve de six coups de canon annoncera que la cérémonie prend désormais un caractère triomphal. « Les cloches sonneront en grande volée. « Tout signe de deuil disparaîtra. « Les troupes présenteront les armes, les tambours bat tront aux champs, la musique jouera des airs de triomphe. « Une salve de cent un coups de canon attestera l’allégresse de la cité au retour des restes de l’immortel empereur. » — On écrit de Rouen, 9 novembre : « Depuis avant-hier matin, on presse avec la plus grande activité les préparatifs de la pompe triomphale qui honorera le passage à Rouen du cercueil de l’empereur Napoléon. Les charpentiers se sont occupés, jour et nuit, de transformer les piles et le grand arceau du pont suspendu en arc de triomphe, avec deux moindres arceaux latéraux. Hier au soir, le milieu du pont, éclairé du haut en bas par près de cent réverbères, présentait l’aspect le plus pittoresque. La charpente doit être à peu près terminée ce matin, et l’on va commencer à revêtir cette immense carcasse de panneaux en menuiserie, recou verts de draperies violettes semées de 36,000 abeilles dorées. Les montants de l’arc de triomphe seront décorés de dra peaux tricolores de 10 mètres de long. On évalue à plus de 20,000 mètres la quantité d’étoffe employée à la tenture de l’arc de triomphe et à sa décoration. « Sur les piles en charpente restant de l’ancien pont de bois s’élèveront dix statues de 6 mètres de haut. Sur le terreplain du pont de pierre sera placé un immense drapeau tri colore, surmonté d’un aigle de 3 mètres d’envergure. » Le char impérial, bien que l’ordre en eût été donné, n’a pu être essayé la nuit dernière, comme nous l’avions annoncé, par suite de certains travaux qui n’ont pu être achevés qu’aujourd’hui. Cette après-midi, à l’administration générale des...
À propos
Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.
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