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Gazette nationale ou le Moniteur universel, 14 août 1834

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Gazette nationale ou le Moniteur universel
14 août 1834


Extrait du journal

garantie à la dette de l’Espagne , jusqu’à ce que par des ventes successives il puisse servir à sou extinction. Ces ventes, à la vérité, ne pourront être faites qu’avec le tems, et jusque là , pour faire face à ses dépenses, le gou vernement espagnol n’a de choix qu’entre les emprunts et la banqueroute. Mai- au point où la science de l’économie politique est aujourd hui parvenue, l’alternative ne devait pas être un mo ment douteuse. Personne n’eût pensé que l’Espagne, en se régénérant, put hésiter d’abord à reconnaître sa dette de toute origiue , puis à s’adresser au crédit pour en servir fidèlement les intérêts. Toute la question était donc de savoir si ce crédit existait pour elle, eu un mot , si son gouvernement pouvait trouver des prêteurs. Il est certain qu’ils se «ont présentés en foule. Eli bien, il les a tous repoussés : il s’est préoccupé de cette pensée qu'il ne devait pas emprunter à des conditions oné reuses , comme si ces conditions n’étaient pas toujours déter minées par le cours des fonds publics d'un Etat au moment même où il emprunte. Or, ce cours dépend de l’opinion qu’on se forme de sa solvabilité et de sa bonne foi. Cette opinion à l’égard de l’Espagne était telle , il n’y a pas deui mou, que jamais depuis plusieurs années ses fond» n’avaient obtenu de si hauts prix sur les principaux marchés de 1 Europe. Elle eût alors emprunté en raison de ces cours , et les cours se fussent encore elevés après l'emprunt. Ainsi l’Espagne en agissant de bonne foi eût fondé son crédit, trouvé des ressources contre les factions, triomphé à la fois de ses difficultés financières et politiques , et se fût placée de manière à obtenir des conditions de plus en plus avantageuses pour ses emprunts futurs. Sans doute elle eût grevé son avenir; mais doit-on songer à l’avenir dans les momens de crise? Je ne suis pas d’ailleurs de ceux qui pensent que l’emploi du crédit mène inévitable ment à la banqueroute. L’exemple de l’Angleterre et celui de la France démontrent évidemment le contraire. Les em prunts ue s'adressant qu’à des capitaux librement prêtés, et qui sans eux seraient moins productif», augmentent la fortune des particuliers, et par suite celle des Etats. Ces Etats, qui ne doivent jamais le remboursement du capital, mais seule ment le paiement exact des intérêts, trouvent ordinairement de quoi payer ces intérêts dans l’accroissement de leurs re venus, surtout lorsqu’ils font de leurs emprunts un emploi utile. Et d’ailleurs si la banqueroute eût été permise à l’Espagne, c’eût été seulement dans le cas de force majeure, dans le cas où le crédit venant à lui manquer, elle se fût trouvée dans l’impossibilité de remplir ses engagemens ; mais méditer la banqueroute en plein crédit est un exemple honteux et fu neste . qui ne doit être ni donné ni souffert par un gouverne ment constitutionnel. Tel est pourtant le projet qu’on attribue au ministère es pagnol : il vient de préluder à son exécution en déchirant un traité conclu pour le paiement du dernier semestre de sa rente perpétuelle , entre un agent chargé de ses pouvoirs et un banquier de Paris. Ce banquier, qui ne doit son immense iortune qu’à sa confiance inaltérable dans la bonne foi de# gouvernemens , avait pensé sans doute que celui de 1 Espagne devait être semblable aux autres. Il s’est trompé : l’Espagne y a perdu plus que lui. En effet , les fonds de ce pays ont depuis lors éprouvé une dépréciation de plus d’un tiers de leur valeur ; et cette dé préciation 11e s’arrêtera pas là dans le cas d’une banqueroute même partielle , car la portion conservée de la dette ne pa raîtra pas à l’abri d’un? nouvelle banqueroute. Les fonds d’Espagne tomberont donc dans une proportion effrayante ; et lorsque son gouvernement, qui ne peut en au cun cas se passer long-tems du crédit, voudra de nouveau y avoir recours , il ne le trouvera pas, ou du moins ne le trou vera qu’à des conditions bien autrement onéreuses que celles qu’il a repoussées. Voilà pour l’Espagne, voyons maintenant pour la France. 11 est certain qu’un Etat ne peut manquer à ses engage mens sans porter atteinte au crédit de tous les autres Etats ; un semblable exemple doit effrayer les capitalistes de tous le» pays, et les détourner des emprunts. La conséquence inévi table en sera la baisse de nos fonds, une diminution de leur capital représentatif, et partant de la richesse publique. Il nous sera désormais fort difficile de réaliser l’opération si dé sirable du remboursement ou de la conversion de notre rente 5 pour cent. Dans cette situation , lorsqu’il s'agit d’un capital de deux cents millions appartenant à des Français, du maintien de notre crédit, de l’intérêt et aussi de la dignité de la France, on i-e demande si notre Gouvernement n’a pas le droit et les moyens de s’opposer à la mesure dont elle est menacée. En vain objecterait-on que l’adoption de cette mesure dé pend des chambres espagnoles, qui, par leur nature , échap pent à notre influence. Ces chambres n’existent que depuis quelques jours 5 nous 11e connaissons pas encore leur opinion. D’ailleurs elles n’ont pas l’initiative. C’est au ministère espagnol que s’adressent tous nos repro ches, s’il a réellement conçu la pensée de la banqueroute. Il est, dit-on , notre allie ! dans ses dangers il a recours à nous ! N’aurions-nous donc en retour aucune influence sur lui? ne pourrions-nous l’cmpéchcr de consommer sa ruine et la nôtre ? On assure qu'il veut faire banqueroute à la France, qui , depuis dix ans , lui ouvre son marché , et se rouvrir celui de Londres par la reconnaissance partielle des bons des cortès. Mais celle combinaison serait le comble de l’ingratitude à notre égard. Ainsi , la France se trouverait punie d’avoir cru à la bonne fui de l’Espagne, et l’Angleterre récompensée de n’y avoir pas cru. En résumé, le Gouvernement français doit reconnaître que si l’Espagne fait banqueroute, v.e sera surtout lui qui en souf frira , puisque la dette espagnole est en grande partie dans des mains françaises ; que son crédit et ses revenus en rece vront une cruelle atteinte; enfin qu’il aura manqué au pays et à lui-même s’il ue s’occupe pas activement de prévenir cette catastrophe. Il reconnaîtra de plus qu’ici la question politique est in séparable de la question financière; que si le Gouvernement espagnol manque à ses engagemens, il se privera des res sources du crédit, et demeurera sans argent, et par suite sans défende, aux prises avec deux partis dont l’un dispose de toutes les ressources de l’aristocratie européenne; que par conséquent l’intervention française deviendra de moment en moment plus inévitable, plus compromise et plus coû teuse. Si donc les ministres ne croyaient pas pouvoir, dans des explications que je sollicite , rassurer la chambre et le pays en déclarant qu’ils s’opposeront à la banqueroute de l’Es pagne, j’aurais l’honneur de vous proposer d’insérer dans l’a dresse les paragraphes suivans : « La chambre des députés a appris avec la plus vive salis-...

À propos

Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.

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