Extrait du journal

mes amis, nous n’attendrons pas long temps. Il s’abusait de rechef. Deux longues heu res s’écoulèrent et la diligence ne se mon tra pas. Le ciel était noir comme de l’en cre. Un vent d’ouest souffla tout à coup, secouant les arbres, cassant les branches mortes et soulevant des tourbillons de poussière. — Il va pleuvoir ! fit une voix lamen table. — Eh bien ! quand il pleuvrait? s’écria M. Coffre en s’efforçant d’écraser le trembleur sous le poids de son ironie ; êtesvous des femmelettes? avez-vous peur de vous mouiller? redouteriez-vous les fatales conséquences d’un rhume de cerveau? Personne ne souffla mot ; mais plusieurs mirent à profit l’obscurité opaque de la nuit et s’esquivèrent à pas de loup. Peu après,!la[pluic tomba avec fureur, et ce fut alors une vraie débandade dans la troupe affolée et ahurie des conjurés. — Mes amis! messieurs ! sacrebleu! où courez-vous ainsi ? criait M. Coffre. Ré fléchissez un peu que nous touchons au port. Le poisson ne tardera pas à tomber dans nos filets. Vît-on jamais le chasseur abandonner la partie juste au moment où le gibier se montre au bout de son fusil ? Souvenez-vous donc que* vous êtes destinés à donner une grande leçon à la France qui a les yeux sur vous, et que vous assurez à notre cher Grognac un renom immortel. En désertant à l’heure dn combat, vous déshonorez notre cité, messieurs ; vous vous déshonorez vous-mêmes! Si énergiques, si réitérés qu’ils fussent, ses appels ne firent que précipiter 1a course désordonnée des fuyards. Resté seul, l’avoué se fit un porte-voix du ses deux mains et il vociféra : — Messieurs, vous êtes des traîtres et des lâches... oui, de» lèches... Entendezvous? des lâches 1 Et s’asseyant sur un ta$ de cailloux, il murmura avec un stoïcisme farouche : — Je ne me lèverai de cette place que demain, s’il est nécessaire. D’ailleurs ce temps stupide ne s’éternisera pas. ALDÉHIC SECOND. (La suite à demain.)...