Extrait du journal

— Bon ! dit Cadet, j'ai de quoi. — Encore ce serait pour t’obliger. Quelle raison puis-je avoir de t’obliger, je te le demande? — Oh bien ! vous le verrez. Cadet fouillait dans la poche de son ha bit, et tourmentait la lettre de Mme Lucile. — J’ai deux élèves, reprit Aristide Chauvelin. Nlarcoussis d’abord, que j’ap pelle mon éléphant. C’est lent, mais c’est patient et c’est fort. Et puis j'ai mon petit vicomte Aimé de Goussainville. Celui-là, c’est vif, élégant comme une levrette. Les races vont s’affinant et se rabougrissant. Du vigoureux dessin d’autrefois, il ne reste plus que le décalque. Voilà pourquoi sou vent, dans les vieilles maisons, se voient de ces enfants qui ressemblent à des ma gots, ou vous prennent des airs de le vrette. Toi, petit homme, tu n’es point de ceux-là. Tu es, au contraire, un ani mal sain et bien planté. L’épreuve était trop forte pour Cadet. Il ne put s’empêcher de serrer un peu les poings, en s’entendant comparer à un ani mal. — Encore une race qui commence ! con tinua le maître. Ah l si je n’avais point déjà Marcoussis! mais il me suffit, le grand drôle, pour représenter ton espèce. Je n’ai pas besoin d’un sauvageon de plus. Ainsi, point de marché avec moi. Je n’ai pas de temps à perdre. Va-t’en. Cette fois, Cadet ne bougea pas. — Ça, dit-il, ce n’est pas mon compte. — Ce n’est pas ton compte ! — Et j’ai une lettre pour vous. Il présenta le pli. Le professeur n’y jeta qu’un regard, le saisit, recula en le serrant dans sa main et, s’affaissant sur la chaise la plus pro che, rompit le cachet. Cadet ne respirait plus. Aristide Chauvelin lisait. La lettre s’agi tait avec un bruit de papier froissé dans sa main tremblante. Il la laissa tomber sur ses g< doux, et Cadet crut voir une larme...