Extrait du journal

motivé des convives, la valeur respective de nos meilleurs vins ; prélève un tribut sur nos havanes les plus socs cl les mieux en point; entretient des relations suivies avec la cave à liqueurs cl connaît mieux que s’il avait fréquenté vingt ans Robert Boudin,l’art d’escamoter pendant un repas tous les restes de vins fins et même, par ci par là, quelque bouteille intacte de Pomard ou de Château-Larose pour l'of fice. il lit nos journaux avant nous et nos lettres après nous. il fouille dans nos poches en battant nos habits, dans nos tiroirs en faisant no tre chambre à coucher, dans notre biblio thèque en donnant un coup de plumeau sur nos livres. Et il sait faire son choix parmi ceux-ci aussi bien que parmi nos liqueurs : soyez sûrs qu’il ne vous a pas emprunté les poésies de M. Leçon te de Lisic, mais qu’il a lu VA soawwir et Nanti. Le gaillard est un homme de goût. Il connaît toutes les misères de notre linge, de nos babils, de nos chaussures et ne se gêne pas pour en goguenarder à la cuisine et chez le concierge. Il ne to lérerait pas, quant à lui, pour son usage personnel, des chaussettes, des chemises et des mouchoirs de poche dans un état semblable à ceux de Monsieur. Il pénètre de toutes paris dans l’inti mité de notre vie, et la sienne nous est entièrement fermée. Il est maître de tous nos secrets, et nous ne possédons pas un des siens. Il jouit à noire porte des droits d'un monarque absolu, laisse passer qui bon lui semble, éloigne qui lui déplaît, fait chanter nos fournisseurs et déchanter qui conque est assez mal inspiré pour essayer de se soustraire à son autorité souveraine. Lorsqu’il prendra à nos gens l’idée de...