Extrait du journal

et non: parce qu'ils font tuer. Donc, l'an dernier, Mme Francey, poursuivie des assiduités d'un pauvre diable nommé Brischard, qui paraît avoir été vraiment trop avantageux avec les dames, au lieu de le punir par quelqu'une de ces grosses et gaies mystifications où excellaient les commères d'autrefois, jugea bon de lui donner la chasse à coups de revolver et de le tuer, comme un simple lapin. Le jury l'acquitta. Les jurés, généralement mariés, ont une tendresse extraordinaire pour les femmes qui défendent leur honneur, oubliant qu'on défend fort bien ledit honneur en repoussant les assauts, sans opérer des sorties meurtrières. Il arriva malheureusement pour Mme Francey ce qui est arrivé pour d'autres. Elle oublia qu'un acquittement n'est pas un triomphe et que si les jurés excusent une violence, il ne s'en suit pas que l'opinion l'approuve. Tuer, même pour défendre ou pour venger son honneur, est un acte empreint d'une certaine gravité qui doit laisser derrière lui un peu de mélancolie dans l'esprit et imposer un peu de réserve dans la conduite. Il paraîtrait que Mme Francey étonna la petite ville de Tonnerre, si tranquille malgré son nom, par ses toilettes voyantes, par son art à dompter les chevaux fougueux, par son affectation de tirer le pistolet toute la journée dans son jardin et par le culte des exercices chers à Diane, que les anciens appelaient « Virago », comme on sait et qui se réjouissait à l'odeur des sacrifices humains....