Extrait du journal

J'étais assis sur la piazza SanMarco, devant le café Florian, savourant le moka délicieux que des garçons en habit, ayant l'air de diplomates disgraciés, vous servent en même temps qu'un verre d'eau glacée avec une cérémonieuse lenteur. Et cette sieste assise, ce far-niente où l'âme et le corps se fondaient dans la mollesse d'un après-midi automnal, ce repos absolu de 1 esprit allégé de toute préoccupation, de tout désir dépassaient en douceur les plus subtiles, les plus complètes jouissances. Une de ces bouquetières, qui rôdent en cheveux autour des tables, hardies, raccroîheuses, ne s'en allant plus loin que lorsqu'elles ont réussi à vous soutirer deux ou trois piécettes, à vous épingler à la boutonnière une fleur quelconque, avait posé à côté de ma tasse des œillets blancs au cœur rosé, dont le parfum s'évaporait entêtant comme l'odeur qu'exhale un corset de blonde....