Extrait du journal

- Je suis fort aise qu'on ait célébré brillamment le centenaire de M. Chevreul, quoique, par des errements indignes du galant pays de France, on n'ait point admis les femmes au banquet de l'Hôtel de Ville. Leur présence eût pourtant ajouté quelque agrément à une fête un peu trop sévère, et peut-être calmé M. DouvilleMaillefeu et empêché ce gentilhomme de faire une scène de mauvais goût à ses voisins ? Dans la célébration de cette fête, an a bien fait d'insister sur le mérite scientifique de M. Chevreul, de glisser légèrement sur sa qualité de centenaire et de ne pas lui permettre de dire ce que dit Peponet en lisant le contrat de mariage de sa fille : «Sapristi ! On ne parle que de ma mort, là-dedans ! » Mais pour nous, qui n'entendons pas très bien les choses de la science, c'est surtout le centenaire qui nous a intéressées. Cette fête de la vieillesse avait un petit air antique et patriarcal qui rappelait les fêtes de la Grèce, celles de la Révolution, ou, sans aller si loin, le premier acte de Guillaume Tell à l'Opéra. Les femmes sont très touchées par les cérémonies en' l'honneur de sentiments simples et naturels, étrangers à là politique. Les vieillards nous attendrissent comme les enfants, à qui ils ressemblent. Et je regrette fort que pas une de nous n'ait été appelée à dire à l'illustre vieillard qui, ayant échappé aux suites de son centenaire, peut braver toutes les émotions, le sentiment affectueux de la femme devant les grands vieillards. Affec tion exempte de jalousie, car nous vieillissons, en France, bien plus souvent que les hommes. Les femmes octogénaires, pour ne pas aller aux dernières limites, sont nombreuses et, si nous sommes des êtres faibles et malades comme on le dit, nous sommes des êtres qui durent longtemps. Ceci tient, je pense, simplement à ce que nous savons mieux vieillir que les hommes. On a bien vu paraître, ces jours-ci, à la police correctionnelle....