Extrait du journal

Je n'apprendrai rien à personne en constatant que le carnaval agite, cette semaine, les grelots de la folie avec une sourdine si discrète qu'à peine si on les entend. Les journaux ont beau inviter à l'envi les maîtresses de maison à donner des fêtes, à ouvrir leurs salons et leurs salles à manger pour faire aller le commerce et l'aider à regagner ce que ce détestable hiver lui cause de déboires, le rôle d'amphitryon trouve de moins en moins de preneur à l'époque d'égoïsme et de parcimonie où nous sommes. Ce ne sont pas, en effet, les fonds qui manquent — comme beaucoup seraient tentés de le croire, — car l'argent déborde et l'épargne de la France s'élève à plus d'un milliard et demi par an. L'abondance de 'argent même est telle que la stagnation Ides affaires le laissant sans emploi, les particuliers reviennent au luxe de la vaisselle plate qu'ils avaient délaissé à une époque où les capitaux n'avaient que l'embarras du prétexte où s'utiliser. On retourne peu à peu à cet emploi pratique de l'argent qui, au dix-huitième siècle, suscita tant de rivalités et amena une danseuse de l'Opéra à paraître à la promenade de Longchamps dans un carrosse dont les essieux étaient d'argent massif....