Extrait du journal

Aussi, placerai-je bien au-dessus de .M. de F. ce gentleman artésien dont le hasard me lit l'hôte, il y a quelque quinze ans. C'était un vaste gaillard barbu qui jonglait avec des boules de trente kilos, mettait une balle a cent mètres dans n'importe quel objet mobile ou immobile, domptait les chevaux enragés et s'escrimait du sabre de cavalerie comme d'un zig-zag de foudre. Ce preux menait une vie impériale dans un resplendissant domaine, adoré de ses serviteurs, estiméde sesfermiers et pourvu d'une femme qu'il semblait avoir été conquérir dans quelque Orient fabuleux, merveilleux mélange d'yeux persiques, de cheveux sauvages, de teint de lotus blanc et d'étranges parfums voluptueux qui semblaient tenir à sa personne. J'étais à ce moment un petit jeune homme pas mal, avec de l'herbe noire sur le crâne, et .qui ne vous aurait pas plus mal tenu un rôle de page qu'un autre. Je vécus quinze jours tranquille dans le château de mon ami, où d'ailleurs il y avait nombreuse compagnie. Mais un beau matin le regard de mon hôtesse, son long regard d'Orient, darda sur moi l'énigme éternelle. Encore que je n'aie point le tempérament scrupuleux, il m'est pénible de trahir un hôte -' mais la tentation recommença les jours suivants : je connus de plus près la bouche triomphale et la glorieuse chevelure....