Extrait du journal

Tandis que le cheval montait la côte sans témoigner de hâte exagérée, le docteur songeait vaguement à toutes les fois où il avait gravi cette même côte, par des soleils féroces, par des neiges hostiles, à tant de peines inutiles prises pour des gens qui n'avaient pas appris à l'aimer, puis a ce graduel effacement du dévouement a la souffrance qui lui montait le cœur et la tête, vingt aas plus tôt, lorsqu'il était venu s'établir dans ce pays. 11 songeait à la façon dont, peu à peu, il avait renoncé à sa passion pour la science, ne travaillant plus, encroûté, en somme, détruit !. Que de mauvaises heures il avait eues pourtant avant d'arriver à s'avachir complètement dans les habitudes campagnardes : quelques coups de fusil à l'automne, la manille au cabaret avec le maire et les gros fermiers, en buvant des tasses de café épais, avec l'échange lent de lourdes paroles, toujours les mêmes, sur les récoltes, et le député, et les jalousailleries entre voisins!. Ce n'était pas cela qu'il rêvait d'accomplir lorsqu'il avait commencé la vie ! Mais les rêves qu'on fait, n'est-ce pas ? sont destinés toujours à avorter dans les platitudes écœurantes: c'est la vie, ça !....