Extrait du journal

Par une morose après-midi de ce pluvieux novembre, je pataugeais dans la boue d'une ruelle sordide où tiennent boutique, en grand nombre, des marchands d'objets d'art ancien. Le matin même, Sylvère Bertin - le peintre dont j'ai raconté les galantes aventures,-m'avait fait présent d'une ébauche longtemps désirée ; j'étais sorti, malgré le brouillard, dans le but d'acheter un cadre concordant aux dimensions de la toile, et j'allais d'étalage en étalage. En dépit de mon pardessus bien boutonné, [le vent mouillé courait sur ma peau comme une sueur froide; il me semblait qu'il pleuvait dans ma tête à travers mon chapeau. C'était une de ces journées où l'on a l'hiver dans le corps, comme on dit. Je me hâtai d'acheter, sans y donner beaucoup d'attention, un petit cadre ovale, encore muni d'une vitre poussiéreuse ; quant au pastel que cette vitre abrita, le marchand l'avait vendu quelques jours auparavant. Puis, mon emplette sous le bras; le collet de mon pardessus relevé jusqu'aux oreilles, je me pris à courir vers ma maison, frôlant les piétons, frôlé des roues, éclaboussant, éclaboussé, [et singulièrement maussade....