Extrait du journal

L'allégresse des premiers frissons de mai, l'épanouissement serein des fleurs ,où la Beauté s'identifie à la Prière close jïans les parfums, m'attiraient irrésistiblement en ce jardin solitaire qu'enveloppait parfois une douce mélancolie de ruines fleuries. Mon adolescence fantasque, gorgée d'obscurs désirs frémissants, rêvait dans la vie du jardin, tentante comme une chair de femme voilée, hantée par la voix de l'unique fontaine chuchotant des soupirs sous la. tonnelle. Je notais les moindres rythmes qui chantaient dans la profondeur de mon âme avide des mélodies des floraisons naissantes. Achaquepas des corolles s'éveillaient, vibraient, ainsi que des cœurs précoces à peine éclos. Des arbres frêles avaient des grâces de chevelure virginale, et leur ombre ondoyait en moi comme une caresse indéfinie. Je restais, durant des heures, étendu, dans une mollesse infinie, au bord des parterres, les yeux attachés à la crudité troublante du ciel où des nues s'étiraient en formes voluptueuses. Des éphémères, des papillons voltigeaient autour de moi, et je les respectais à l'égal des dieux. De s quelles fornications végétales sont-ils issus, pensaisje ? J'aimais à me pencher sur les pistils tremblant comme un duvet de jeune fille, et, souvent, j'écrasais des roses sur mes lèvres qui goûtaient aussi le velours des feuilles tendres....