Extrait du journal

Avez-vous songé parfois à ce phénomène extraordinaire ? Le catholicisme a été une des plus grandes choses du monde ; il a prodigieusement influé sur les idées, les mœurs, la philosophie, la politique. Il a eu, à brassées, des grands hommes, des martyrs, "des saints. Il n'a -1 pas de poètes — ou, du moins, ceux qu'il peut réclamer sont, en réalité, hors de lui. Dante, ennemi des papes qu'il malmène avec une rare éloquence, est' un hérésiarque, comme Milton : et, chez Dante comme chez Milton, le génie n'éelate que dans des épisodes où sont décrits des sentiments humains, l'amour de Francesca ou le monologue de Lucifer révolté. Les grands livres chrétiens, les Confessions d'Augustin, l'Imitation, les livres des deux saints François, sont des livres qui brûlent les mains pieuses et que les confesseurs prudents tiennent pour périlleux. Bossuet même, si magnifiquement éloquent, n'est pas, à proprement parler, un poète ; trop de choses et trop de sentiments lui sont étrangers. Il n'y a vraiment qu'un poète chrétien admirable et complet, c'est Jésus. Mais l'Evangile, on le sait, n'a plus rien à faire avec le catholicisme actuel ; et Jésus, prophète doux et terrible, homme de la Nature, retrouvant son Eglise, serait plus étonné encore que Rossini entendant chanter le Barbier par une cantatrice qui l'avait refait et demandant de qui était cette musique ? C'est ainsi que le rêveur merveilleux de Galilée, qu'on rapetisse en en faisant un Dieu, demanderait de qui est l'étrange musique du Sgllabus ?...