Extrait du journal

C'était un homme d'une quarantaine d'années, desséché, nerveux, avec une moustache et deux yeux vifs dans une figure hâve et mal rasée. Une grosse couture de cicatrice le défigurait au bas d'une joue, et il parlait avec un embarras de bouche qui l'empêchait précisément de prononcer les mots « prestidigitateur » etc prestidigitation ». Il opérait les bras nus pour qu'on ne l'accusât pas de glisser les objets dans ses manches, et il était serré dans une espèce de vieux veston rapiécé et gras sous lequel s'évasait un pantalon trop large où ses jambes flottaient comme des battants de cloche. Non seulement, malgré son nom de Jackson, il ne devait être ni Américain, ni Anglais, mais il paraissait, à ses intonations, .être Provençal ou Gascon. Pour tout théâtre, il avait une petite table boiteuse et sans tapis, et pour tous instruments de mauvais morceaux de carton mal cousus en forme de tubes et de vieilles boîtes à café et à sardines. Une trentaine de spectateurs, baigneurs et paysans, assis sur des planches posées sur de vieilles caisses, étaient rangés autour de lui; trois ou quatre bougies plantées dans des bouteilles et placées sur de petits tonneaux éclairaient la scène, et on voyait pendre, au-dessus des têtes, des chapelets d'oignons etdes peaux de lapin....