Extrait du journal
Ce n'est pas seulement sur les champs de bataille lointains ou bien dans ces grandes manœuvres, dont voici l'époque, répétitions générales de la guerre, que nous aimons à suivre nos soldats. Une curiosité sympathique nous fait chercher à savoir ce qu'ils pensent, ce qu'ils font, comment ils vivent dans la vie de garnison. Nos soldats sont extrêmement occupés : l'administration de l'armée est fort minutieuse, et le métier de soldat, que quelques imbéciles persistent à appeler a un métier de paresseux », est un métier de paresseux à peu près comme l'est celui de journaliste ! Mais encore, les heures sont longues dans les villes de garnison, et on y trouve quelques loisirs, surtout en Afrique, où le service est moins exigeant qu'en France. Ces loisirs, un bon nombre d'officiers les donnent à l'étude, sous toutes ses formes. Notre armée a ses savants, ses poètes, ses romanciers, ses fantaisistes. Je ne parlerai pas des premiers. Mais j'aime à m'arrêter sur les œuvres de nos « confrères » de l'armée, et le livre écrit entre deux exercices ou entre deux campagnes a, pour moi, un intérêt tout particulier dont je ne veux pas me défendre. Une tradition que Yai, pour ma part, en horreur, prétend que, de Dumanet à Ramollot, l'armée est composée de durs-à-cuire, de niais fétichistes de la discipline, à qui on ne reconnaît guère d'autre mérite que la bravoure. Nos officiers ont bien d'autres qualités, et c'est un grand honneur pour nous de lés voir, souvent, nous demander une place dans les rangs des lettrés. Cette place, ils l'ont gagnée, depuis vingt ans, à la pointe de la plume. Car rien , à mon gré, ne s'associe si bien que le goût des armes et le goût de lettres.Le soldat qui pense,qui étudie, qui écrit, n'est-il pas l'homme complet, fait à la fois de réflexion et d'action, observant au milieu même d'une vie intense et agitée ? Combien, sans remonter trop loin, sans évoquer même le soutenir de Paul-Louis, faisant la campagne de Calabre avec un Homère dans sçs fontes, qui ont su donner, dans notre littérature contemporaine, une note particulière ? La correspondance de SaintArnaud est un chef-d'œuvre. Castellane et Daumas ont vu l'Afrique avec une merveilleuse pénétration d'artistes. Et Rivière, et Pierre Loti, n'ont-ils pas, l'un égalé peut-être par instants Mérimée et l'autre dépassé Bernardin de Saint-Pierre ? Et je ne parle pas de nos nombreux officiers qui ont fait des lettres une distraction d'amateur, qui en ont le goût et l'amour, et, comme ce manœuvrier fini de Lewal, se sont arrêtés sur les champs de bataille de l'Italie, à la recherche de la maison et du verger de Virgile....
À propos
Fondé le 19 novembre 1879 par Auguste Dumont, Gil Blas détonnait parmi les publications du Paris fin-de-siècle. Sa ligne éditoriale grivoise, littéraire et ouvertement mondaine charmait ses lecteurs, souvent citadins.
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