Extrait du journal

La nature (1817) l'avait créé pour jouer du cor. Elle l'avait doté de tous les dons, incompréhensibles et rares, qui font qu'une bouche humaine, collée à l'anus d'un boyau serpentueux de cuivre, vous tire l'âme hors de la gaîne et vous fait ribouler des yeux. Il pouvait être Oberon, Hernani et Roland à Roncevaux tout ensemble et réaliser en lui, une fois pour toutes, ces trois manifestations du cor! Sa vocation était si providentielle que — son biographe le raconte — tout lui devenait cor dès l'âge le plus tendre, sa casquette d'écoliet, lQ. canne de son père et les souvenirs de sa famille. Sans cor encore, dans le moindre décor, il cornait des accords, à édulcorer des recors, avec son nez, avec son genou, avec son soulier gauche, avec ses cors!. La prédestination était évidente. On lui acheta enfin l'instrument dont il jouait Si bien sans le connaître et, dès qu'il l'eut, il se mit à le promener par toute l'Europe civilisée et à donner des concerts avec. Or, ce fut une succession de triomphes inouïs. Le monde s'emplit du bruit de ce paganinisme prodigieux....