Extrait du journal

On s'est diverti a comparer feu Meilhac à Marivaux. Il ne faudrait rien exagérer. Les jeunes demoiselles que nous montre le collaborateurd'Halévy ne sont point tout à fait du même monde que les nymphes de cour et les précieuses bergères qui devisent si joliment, dans les parcs de féerie, en s'appuyant sur leurs cannes enrubannées! On ne les imagine point, en tonnelets fleuris, sur le perron de marbre rose, galantisées par de beaux seigneurs suppliants auxquels leur bouche trop petite répond avec nonchalance cent cruautés. On les verrait plutôt, même celles qui naquirent officiellement sous notre république, avec le chignon bas, les manches ballonnées et les blouses de velours que les reines des Tuileries portèrent pour désespérer les peintres, et qui s'obstinaient encore au temps de Mac-Mahon. Bref, elles sont second Empire et non Louis XV ; elles ont lu Monsieur, Madame et Bébé. De fait, entre Meilhac et Marivaux, la différence est la même qu'entre Gustave Droz et Crébillon fils. Meilhac, assurément, eut de la fantaisie, mais bourgeoise ; ses héroïnes sont des sœurs d'Antoinette Poirier perverties par la lecture de la Vie Parisienne, les soirées dans les petits théâtres, et le rastaquouérisme général de notre société....