Extrait du journal

Gil Blas a inauguré, hier, une mesure qui est une véritable révolution dans les rapports de la presse avec les théâtres. Il a décidé de ne plus accepter le service de billets aux premières représentations que les directeurs ont l'habitude de faire aux journaux et d'acheter aux bureaux, en entrant, le droit d'apprécier à sa guise la pièce interprétée devant la rampe. Par cette réforme, notre journal sape enfin un système qui blesse à la fois la-dignité de la presse et l'intérêt des directions théâtrales. En effet, de par ce système lés théâtres et les journaux vivent dans - une intimité hargneuse comme les HIles et leurs souteneurs. L'administration se prétend exploitée et battue ; elle additionne avec amertume les billets que la presse lui a soutirés en un an. Le journal, de son côté, fait l'addition de toutes les réclames qu'il a insérées gratis dans l'année et trouve qu'il y a mis du sien. Ce n'est pas tout encore : certains directeurs laissent entendre que leur budget est grevé de subventions secrètes. S'ils déposent leur bilan, on raconte autour d'eux que l'infâme journalisme les a mangés tout vifs. Ne vaut-il donc pas mieux convenir une fois pour toutes que le théâtre et la presse rentreront dans le droit commun, les directeurs payant leurs réclames au prix du tarif, les journalistes payant leurs places au prix du bureau?...