Extrait du journal

M. de la Bourdaisière est mon voisin de campagne. IJ habite, entre le hameau de la Jonchère et l'étang de .SaintrCucufa, une vieille (maison, isolée au fond des bois et qu entourent de grands murs couverts de lierre. Epointée d'un pignon, enchevêtrée décoinçons et de poteaux, de chanlattes et de cornières, elle s'élève à l'endroit où s'élevait jadis la bergerie de l'impératrice Joséphine. Les coulées d'or qui chamarrent les hauts feuillages, le ciel léger de l'Ile de France, la douceur de l'air et le chant des oiseaux qui volent de branche en branche, impriment à ces. lieux une grâce charmante. Rien n'en a troublé, depuis un siècle, la solitude et le silence. Le soleil y pénètre à peine et l'ombre y est si épaisse, qu'on la croirait clouée au sol. Dans les allées, parmi les arbres, les uns s'élancent hardis, pareils à des colonnes, et dominent au loin la plaine, tandis que d'autres, contournés, écrasés, refoulés de toutes parts, tordus en rameaux énormes, portent aux flancs des blessures par. où s'écoule la sève. La vigme sauvage s'allonge en fines guirlandes et unit le platane au cyprès, le saule au châtaignier, le chme au peuplier. Au milieu d'une clairière, dans une vasque en marbre blanc, la tête de bronze d'un hippocampe fait couler une eau claire et arrose les feuilles languissantes qui nagent à la surface. Par ci, par là, au pded de quelque statue brisée, datant du Consulat, fleurit une roise de Poestum ou un iris de Florence. L'âme la moins ornée doit s'émouvoir d'un pareil décor. Une tristesse pesante empêche d'y évoquer la vie. Dans les allées désertes, les pas soulèvent, avec les feuilles mortes, des jonchées de souvenirs....