Extrait du journal

Plus d'un vétéran des coulisses et d}S boudoirs, plus d'un aimable Boisvulettc a dû, ces jours-ci, rouvrir l'album de photographies où il conserve précieusement les riantes figures d'autre'ois, pour y retrouver le portrait de Jeanne Andrée dont les Echos de théâtre ont annoncé la fin lamentable à l'hospice Sainte-Anne, à quarante-quatre ans 11 a revu alors 1 actrice dans la robe de velours noir à longue traîne dont elle aimait à habiller sa taille longue et souple, sa démarche élégante et aristocratique, — elle n'était pas fille du comte de Béguelin pour rien! Il a rerouvé cette line tête, au profil de camée, ce bel œil bleu-sombre, brillant comme un saphir, cette bouche aux lèvres minces et à l'expression quelque peu hautaine qui faisaient d'elle une créature singulièrement attractive et 1 ui valurent d'être classée parmi les plus jolies femmes de théâtre de son temps. Qui eût dit, à l'époque où ce portrait triomphait dans toutes les vitrines des papetiers, que la brillante comédienne, à la suite de toutes sortes de déceptions et de vicissitudes douloureuses, devant la ruine, la ruine noire envahissant son foyer, perdrait la raison et irait mourir dans un hôpital ?. Par ce contraste qui veut que les extrêmes se touchent, c'est la folie des grandeurs et de la richesse qui avait enfiévré le cerveau de la malheureuse Elle était hantée par l'idée des « grandes affaires » et l'obsession d'opérations commerciales « sans précédent » à tenter....