Extrait du journal

On a dit que ce « romantique défroqué » eut le génie de l'ingratitude, de l'irrévérence, et la fureur de l'indiscipline ; ceux qui l'aimèrent le mieux conviennent que ses sarcasmes n'ont épargné personne, pas plus ses bienfaiteurs que ses parents, que les indifférents, ou les amis. Je crois cependant que son cœur valait mieux que son esprit ; il adora les enfants, il aimait à donner autant qu'à recevoir, mais il était gouverné par ses nerfs, et les nerfs sont des compagnons peu sûrs. Et puis il appartenait à la famille des grands félins qui, tout d'un coup, déchirent ceux qui sont à portée, pour rien, pour le plaisir de voir couler le sang ou, tout simplement, de faire admirer la puissance du coup de griffe. A ce jeu-là, on se fait beaucoup d'ennemis, et les rancunes ne manquèrent pas à Henri Heine : elles se sont si bien perpétuées que, lorsqu'il s'est agi de lui élever un monument en Allemagne, le gouvernement s'y est opposé, ne pouvant, assuret-on, lui pardonner de s'être établi en France, d'y avoir vécu « en Prussien libéré ». d'avoir traité la Prusse de « Tartuffe entre les Etats », et professé moins de tendresse pour elle que pour l'Allemagne. Mais l'impératrice d'Autriche a exécuté ce que l'empereur Guillaume II a refusé de faire. Dans ce merveilleux château de Corfou, l'Achilleion, plane la statue du...