Extrait du journal

Il s'est passé, ces jours-ci, une petite aventure qui, en soi, n'a rien que de fort ordinaire et banal, mais qui prend de l'importance par le bruit qu'elle a fait. Une jeune femme, fort jolie et agréable, qui a déjà joué et non sans talent, deux ou trois rôles au théâtre, qui permettaient, d'une façon spéciale, d'apprécier ses beautés, est entrée en ménage, — faux ménage, bien entendu, - avec un monsieur riche et très connu. La mère de la jeune actrice aurait approuvé cette combinaison, qui lui aurait permis de réaliser le rêve, longtemps caressé, d'avoir un manteau garni de fourrures. Rien encore que de fort ordinaire. En vérité, la chose ne valait pas qu'on en parlât ailleurs que dans les petits coins de foyers et de coulisses, où l'on potine sur les camarades et dans les cercles où se réunissent les viveurs. Ces sortes d'amours, au siècle dernier, étaient bien notés dans les petits livres vendus sous le manteau, et Diderot et Grimm ne dédaignaient pas eux-mêmes d'en parler dans leurs correspondances parisienlies, vraies chroniques du temps. Mais çes révélations s'adressaient à un puplic particulier et restreint, qui connaissait les masques. Alors, comme aujourd'hui, il importait peu au grand public avec qui telle ou telle jeune fille pouvait passer ses jours et ses nuits. Et, cependant, je l'ai dit, plus R'un journal a désigné ou nommé J'actrice qui s'est embarquée pour Cythère. On a désigné l'industriel qui a fourni la barque : on a même ajouté que le galant navire avait fait eau dès la première promenade et que, de tout peci, il ne restait déjà plus qu'une ruineur de scandale, dont un poète du Figaro s'est fait l'écho. Pourquoi ce bruit ? Pourquoi cette indiscrétion?...