Extrait du journal

Il semblerait, pour ceux qui parlent ainsi, que l'homme riche, dans la société contemporaine, soit un de ces avares de mélodrame qu'on nous montre cousant des billets de banque dans une doublure i'habit et cachant des écus d'or dans un - ",l'ou de leur cave. L'homme riche, dans a vie actuelle, est simplement une sorte de machine de transmission de la fortune publique, qui passe par ses mains, mais qui n'y séjourne pas. Un actionnaire qui touche dix mille francs de dividendes sur le bénéfice des marchés du charbon et qui s'achète une voiture, prend ces dix mille francs de la main droite, à des industriels qui gagnent encore à l'échange, et les transmet, de sa main gauche, aux ouvriers, au sellier, au forgeron, au peintre, au tapissier, au paysan, producteur de fourrages. La seule grève terrible, ce serait la grève des gens riches. A-t-on réfléchi seulement à ceci : que si tous les hommes qui ont de la fortune s'entendaient, pendant un mois, pour ne dépenser que dix francs par jour, les trois quarts de la France en seraient réduits à manger de l'herbe ? Ruiner le riche, qui peut d'ailleurs se dérober par l'émigration, c'est ruiner le pauvre, cloué au sol. Je sais de source certaine que la grève de Decazeville, menaçant de s'étendre, a privé l'industrie française de dix millions de commandes, au bas mot. Et sur ces dix millions, en faisant la part la plus grande qui se puisse faire au capital, huit millions allaient à la main d'oeuvre sous toutes ses formes ! La haine du riche, dictée par l'envie, est, par-dessus tout, une bêtise. Si on a voulu atteindre les actionnaires de Decazeville dans leur luxe, c'est en réalité les ouvriers qu'on a frappés dans leurs besoins !...