Extrait du journal

Chaliapine a rendu pu'blique sa résolution de s'exiler de sa Russie natale. Il y aurait durement éprouvé les versatilités" de la gloire, l'injustice des hommes ; c'est tplus qu'il n'en faut pour décider un Slave de bien à moissonner le laurier loin des icônes nationaux. C'est un axiome passant en doux orgueil toute autre renommée : qu'à tous les exilés la France offre une patrie. M. Chaliapine n'a donc pas eu besoin de consulter longtemps son cœur méconnu pour former un dessein qui honore notre « terre de liberté » ; il a écrit : « J'ai l'intention de vivre en France. J'espère que j'aurai des engagements. Je serais très heureux de chanter à Paris, au grand Opéra ». M. Ohaliapine est tout à fait gentil de se iréduire à l'espérance, au simple désir, quand il lui serait si facile d'ordonner. Il veut bien décliner l'autorité que lui confère, pour s'imposer à l'Opéra, l'engouement qu'entretiennent, chez nous à l'endroit de tous les chanteurs — les chanteurs français exceptés, naturellement, — les directeurs de l'Académie nationale de musique et de chorégraphie, inspirés en cela par la concurrence que leur font, chaque printemps, deux ou trois impresarii Chez qui la Fortune — une courtisane, assure Hamlet — récompense les audacieux....