Extrait du journal

Une triste semaine, en dépit du ciel bleu, du soleil qui rayonne et des bois en fête. Elle a commencé, lundi, par l'enterrement de Mme Jules Lacroix et se termine aujourd'hui par celui du baron d'Etreillis. Avec Mme Lacroix a disparu non seulement une femme éminente par toutes les qualités du cœur, tous les dons de l'esprit, toutes les séductions des manières, mais le type accompli de la douairière telle qu'on la rêve d'après les souve nirs du passé ou qu'on se la figure d'après les miniatures d'autrefois. Ce type-là devient une rareté rarissime de nos jours où les femmes semblent avoir perdu l'art de vieillir et ne savent plus bénéficier de ses secrets charmants. On ne le retrouve plus guère qu'au théâtre et eacore faussé par la convention que commande la rampe. La douairière de théâtre, en effet, est invariablement une dame de verte allure, au mot leste, à la morale facile et ayant toujours l'air de vouloir jeter sa perruque poudrée par dessus les moulins; - dans les plis soyeux de sa douillette de satin garnie de dentelles, elle traîne les jeux et les ris, et ses lèvres passées au carmin de la Reine sont indulgentes au bouillant présent de ceux qui l'entourent en souvenir de l'agitation de son propre passé ; Nattier, descendu de son cadre, buvant du bouillon dans une tasse de Sèvres, tenue d'une main parfumée et gantée de mitaine, elle s'offre au spectateur rieuse, railleuse, spirituelle et séduisante au possible, malgré la neige de ses cheveux, mais reste, au total, quelque peu artificielle....