Extrait du journal

La chartreuse qu'habitait le comte Eustache d'Etchegorry ressemblait à un gîte de pauvre où l'on ne mange pas chaque jour à sa faim, où les bouteilles sont plus souvent emplies à la pompe qu'au cellier et où l'on guette les dernières lueurs du jour avant d'allumer les chandelles. C'était vieux et sordide. Des murs qui se décrépissaient par plaques, une grille rouillée, des fenêtres où les carreaux cassés étaient bouchés par de vieux journaux et des chambres à peine meublées dans lesquelles les portraits d'ancêtres pendus aux murs attestaient qu'il ne végétait pas là quelque bêcheur de glèbe, quelque minable tâcheron dont peu à peu s'épuisent les forces et se courbe l'échiné. De gros ormes noueux déjetés parles coups de vent l'abritaient comme une hautecloison verte. Un grand jardin descendait plein de rosiers sauvages, d'herbes folles poussées à l'aventure et aussi de légumes maigres, émergeant à demi fanés de la terre sablonneuse, jusqu'à la berge du fleuve....