Extrait du journal

Tout bon poète, en écrivant la première rime de son poème, a déjà la dixième dans son esprit; Victor Hugo, lui, a déjà la centième ; de tous les Parisiens, c'est lui qui joue le plus vite. Mais, sous ce rapport, les femmes sont inouïes. Madame Emmeline de Gouast a un mari jaloux comme un tigre, pas bête du tout, et une ennemie irréconciliable, madame de Vintre,perspicace comme l'adroite princesse, qui voudrait la couper en petits morceaux, lui manger le cœur et mourir de plaisir. Madame de Gouast, toujours épiée par quatre yeux attentifs, ne peut pas tourner la tête ni toucher à son mouchoir de poche sans que ses deux sbires le sachent. C'est dans ces conditions difficiles, parlons franc, impossibles, qu'elle s'est prise d'un amour ardent, et qui voulait être satisfait. Elle a aimé un jeune diplomate, monsieur René de Lauvray, et elle a trouvé le moyen de jouer si vite, qu'elle a dépisté la jalousie et la haine....