Extrait du journal

J'ignore ce que vaut l'œuvre nouvelle de M. Falguière. Je sais seulement que Barbès est représenté en insurgé, un fusil près de lui. Ceci a paru piquant et choquant, étant donné que le gouvernement a pris part à l'inauguration de la statue : car Barbès fut insurgé non seulement contre la monarchie, mais contre la République du suffrage universel. Il occupa une heure, au 15 mai 1848, l'Hôtel-deVille, qu'il avait également enlevé, en 1839, avec une poignée d'hommes, entraînés par son héroïsme. D'autre part, comment représenter Barbès autrement qu'en insurgé ? Car il ne fut ni un écrivain, quoique lettré, ni un politique. L'avenir ne peut garder de lui que la figure légendaire d'un soldat de la démocratie, sentimental et batailleur, parfaitement chimérique, mais admirablement héroïque. L'artiste peut regretter que cette race des Barbès ait disparu. Mais la politique, jugeant froidement les choses, doit s'en féliciter. Car si nous avions beaucoup de ces héros parmi nous, êtres de pur instinct et ne connaissant d'autre route au progrès qae la force et la victoire de la guerre civile, nous serions bien malades!...